Je me sens moite, il n'est pas encore midi, je serre le frein à main et descend lentement de ma voiture, dix heures de route ont dessiné des cernes sous mes yeux trop clairs les rendant plus rêveurs, presque flous.
Mon coeur bat à tout rompre, mes pas font crisser le gravier répandu devant le garage du chalet, la chaleur qui règne contraste avec l'atmosphère climatisée de mon Terrano.
Une joie indéfinissable me submerge, je suis à la montagne! je suis à la montagne!
Je rempli mes poumons de cet air qui me semble si différent de celui que je respire tout au long de l'année dans ma verte campagne.
Je sais par avance que je vais accomplir un rite immuable venu de ma petite enfance, je vais lester mes pieds de lourdes chaussures de montagne, prendre un sac à dos, y mettre une bouteille d'eau, des gâteaux, une couverture légère et partir sans attendre vers les pentes qui jouxtent la maison.
Une petite heure de marche et je retrouve la petite bergerie comme je l'ai laissée l'an passé, rien n'a changé, le sol, à cet endroit, est curieusement plat, l'herbe est y grasse car les animaux ne viennent plus paître en cet endroit depuis bien longtemps, je sors le plaid de mon havresac et l'étend soigneusement sur la prairie afin de m'y allonger.
Le silence est impressionnant, les bruits de la civilisation ne me parviennent plus, l'abreuvoir, devant l'humble et vieille bâtisse qui autrefois résonnait des bêlement des chèvres, laisse échapper un maigre filet d'eau limpide alimentant ainsi un minuscule ruisseau qui se perd dans les taillis touffus en gazouillant. La course m'a éprouvée, je bois un peu d'eau et grignote un petit gâteau . . .
Des sauterelles étonnées atterrissent sur la laine de mon matelas improvisé en trébuchant, parvenant à grand'peine au prix d'un saut prodigieux, à regagner le refuge rassurant d'une végétation luxuriante.
Mes yeux se portent alors sur la vallée, le soleil est déjà bas sur l'horizon et la ville que je surplombe ne semble n'être plus qu'un tapis bigarré qui se fond dans la nature avoisinante.
C'est l'instant magique, comme une fusion, une osmose avec la nature. J'appelle à moi le silence, je reste sans bouger, mon regard tente d'englober tout le paysage comme pour mieux l'appréhender, mes oreilles bourdonnent, mes yeux sont écarquillés, je fais partie de la montagne, je suis la montagne . . .
Soudain la magie disparaît telle une bulle qui éclate et retombe en une fine pluie irisée, j'ai froid et je frissonne, il est temps de rentrer, mes souliers crissent à nouveau sur les graviers, je suis de retour, Megéve est mon havre de paix, c'est là que je sens vivre le plus intensément, c'est là que j'aimerais finir mes jours.
BLUE_eyeS