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La IIIe République à l'épreuve de la crise boulangiste (1885-1889)

Gimdolf_Fleurdelune | Publié le jeu 22 Juin - 9:24 | 4083 Vues

Depuis leur conquête du pouvoir (1879), les députés républicains avaient beaucoup creusé le déficit du budget, notamment à cause des dépenses nécessitées par les expéditions coloniales et l'exécution de grands travaux (chemins de fer, canaux), le tout sur fond de crise économique.

Tout cela alimentait une vague de profonds mécontentements dans le pays.

Après la chute du ministère de Jules Ferry, le mauvais état des finances, la stagnation des affaires jointe à l'insuffisante révision constitutionnelle ajoutée à une scission au sein de la famille républicaine, provoquèrent une crise politique de près de trois ans (1886-1889) qui secoua profondément la France et mit en péril ses institutions encore fragiles.

Le pivot central de cette crise fut le général Georges Boulanger.

Georges Boulanger, né à Rennes en 1837, fut d'abord imposé comme ministre de la Guerre par les radicaux qui le déclaraient le "seul général vraiment républicain".

Beau parleur, cavalier élégant, il plut aussitôt au peuple par ses dehors. Habile à se servir de la presse, il sut flatter le désir de revanche que les Français gardaient au coeur ; les journaux à sa dévotion louaient en lui le prochain vainqueur de l'Allemagne.

Quelques mesures propres à donner un certain bien-être aux soldats, comme la création de réfectoires et des distributions de vaisselle dans les cantines, des déclarations retentissantes en faveur d'une réduction de la durée et de l'égalité du service militaire ainsi que des refrains de café-concert célèbrant le "brave général" ou le "général la Revanche", un cheval noir de brillante allure monté dans les revues, achevèrent de rendre l'homme très populaire.

Conseillé par des ambitieux, Georges Boulanger crut possible de devenir le maître de la France.

Mais des républicains modérés, perçant à jour son dessein, parvinrent à l'écarter du gouvernement au mois de juillet 1887 et à le nommer à la tête du 13e Corps d'Armée de Clermont-Ferrand. Toutefois, malgré son éloignement de la capitale, l'intrigue qui devait le porter au pouvoir se poursuivit très activement.

Au même moment, un scandale éclatait dans l'entourage familial du Président Jules Grévy. En effet, le gendre de celui-ci, Daniel Wilson, se livrait à un vaste trafic de Légions d'Honneur. Grévy fut contraint de démissionner et aussitôt remplacé par un républicain modéré, Sadi Carnot, le 3 décembre 1887.

Ce scandale accrut le nombre des mécontents et profita au général Boulanger qui, négociant avec le prince Napoléon et le comte de Paris, devint le chef d'un parti où se coudoyaient des patriotes exaltés et revanchards, des radicaux et tous ceux qui voulaient, d'une manière ou d'une autre, la "peau" de la République, prêts pour cela à employer la tactique de l'action parallèle et utiliser le général Boulanger comme d'une catapulte.

Cet étrange parti se présenta comme révisionniste et national ; leur programme tenait en trois mots : "Dissolution, Révision, Constituante".

L'article essentiel de la Constitution qu'ils souhaitaient retoquer était le mode d'élection du Président de la République, réclamant qu'il soit de nouveau désigné par le suffrage universel. Mais les députés républicains, qui ne voulaient pas voir ressurgir l'Empire, y étaient farouchement opposés.

En mars 1888, le général Boulanger fut mis à la retraite.

Aussitôt, ses amis organisèrent sur son nom une sorte de plébiscite permanent, en posant sa candidature partout où il y avait un poste de député à pourvoir. Les fonds nécessaires pour cette incessante campagne électorale lui furent fournis sans compter, essentiellement par les monarchistes et les bonapartistes, par souscriptions.

En cinq mois, Boulanger fut élu six fois député.

Une septième élection eut lieu à Paris, le 27 janvier 1889. Elle fut un éclatant triomphe et le soir-même, après la proclamation des résultats du scrutin, on put croire que les boulangistes allaient s'emparer de la Présidence de la République par un coup de force. Mais le général Boulanger n'osa pas franchir les limites de la légalité.

Dès lors, toutes les fractions du parti républicain, prenant subitement conscience du danger auquel ils avaient échappé, réagirent et s'unirent de nouveau pour prendre les mesures qui s'imposaient alors afin d'éviter à l'avenir que tout cela ne se reproduise plus :

Le scrutin de liste fut supprimé et les candidatures multiples furent dorénavant interdites.

Des sanctions disciplinaires extrêmement rigoureuses furent prises contre les révisionnistes et le général Boulanger fut poursuivi sous motif d'inculpation de complot et d'atteinte à la sûreté de l'Etat.

Boulanger s'enfuit en Belgique le 31 mars 1889. Il s'y fixa, après que le Sénat, érigé en Haute-Cour de Justice, l'eut condamné par contumace à la déportation (14 août 1889).

Ses partisans, déconcertés par sa fuite, tentèrent un ultime baroud électoral en septembre 1889 mais, privés de chef, ils n'obtinrent à peine que 44 sièges. Le furieux assaut donné par les partis anticonstitutionnels à la République se terminait ainsi par l'éclatante victoire des Républicains.

La crise boulangiste n'avait nui en rien au succès d'une exposition universelle, organisée pour le centenaire de la Révolution de 1789.

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