Voilà.
Vous êtes donc assis sur le bord de votre lit en fer dans votre cellule aux
murs blancs. On vous a revêtu de la tenue orange des prisonniers. Mais
vous n'êtes pas le quartier des prisonniers ordinaires, vous êtes dans le couloir des condamnés à mort.
La sentence a été prononcée à votre égard et vous entendez encore le
maillet du juge s'abattant sur son socle comme un coup de tonnerre.
Vous entendez encore la sentence résonner dans votre esprit : "
condamné à mort ".
Peu importe le crime que vous ayez commis, cela n'a
plus aucune importance désormais.
On a décidé pour vous qu'il vous
fallait mourir, qu'il fallait quitter cette Terre. Se résoudre à partir
un jour, tous les hommes le sont, puisqu'ils sont tous mortels mais il
s'agit là d'une fin programmée, décidée. Vous attendez dans le couloir
avec d'autres condamnés comme vous.
Le célèbre Couloir de la Mort.
Il
n'y a même pas un bruit, c'est le silence le plus total. Les gardiens
vous ont retiré votre montre et dans la cellule il y a même pas une
horloge. Il n'y a pas non plus de fenêtre dans votre cellule, juste une
ampoule blafarde qui éclaire en permanence l'endroit où vous vous
trouvez.
L'endroit a été pensé de façon à ce que le détenu n'utilise
pas son environnement pour mettre fin à ses jours. Non ils veulent vous
envoyer dans l'au delà et pas que ce soit vous qui le fassiez, ils
veulent accomplir la sentence comme on accomplirait une démarche
administrative. Car c'est là qu'est la vérité, vous n'êtes plus un
homme dès cet instant, vous êtes une formalité administrative, une
sentence à accomplir.
Vous appartenez désormais à l'Administration.
Il y a des pas qui résonnent dans le couloir.
Vous sentez votre estomac
se contracter, vous déglutissez avec peine. Vous avez beau vous faire à
l'idée de la Mort mais personne n'est prêt à mourir. Vous entendez un
cliquetis de clefs farfouiller dans la porte de la cellule.
Cette fois
... La porte s'ouvre, le gardien entre dans votre cellule. Il ne dit
rien d'autre qu'un "
C'est l'heure" d'une voix monotone et froide.
Vous vous levez et vous le suivez.
Il vous passe même pas les menottes
comme une dernière faveur que l'Administration voulait vous accorder.
Vous essayez de ne pas craquer, de ne pas montrer que vous avez peur au
fond de vous même. Votre estomac se crispe et votre respiration
commence à s'accélérer au fur et à mesure que vous approchez de la
Chambre d'Exécution.
Votre gardien vous fait entrer dans la pièce.
Il y a là une équipe
médicale et un prêtre, quelques officiers de police et au milieu de la
salle un lit du genre de ceux qu'on utilise pour opérer les gens dans
les hôpitaux. Il y a aussi un miroir mais vous savez bien qu'il y a derrière ce miroir les témoins de votre exécution.
On vous invite à monter sur la table.
Et pendant que l'on vous attache
les bras avec de fortes lanières en cuir, c'est plus fort que vous,
vous vous débattez en suppliant vos bourreaux : "
Non, pitié " et là,
ils vous regarde en vous souriant comme ils souriraient à un enfant
pris en faute et puni en disant : "
Allons, allons ...". Ils serrent
vos liens qui vous font mal, tellement vos muscles sont contractés. Ils
vous ont enserrés les jambes aussi et la taille, vous ne pouvez plus
bouger.
Vous fixez l'horloge juste en face de vous qui marque les
minutes et les secondes, les dernières qui vous restent à vivre.
Et le
téléphone a coté.
Ah oui, le téléphone...vous espérez qu'il va sonner,
que le Gouverneur va suspendre votre exécution. Mais rien ne se passe.
Le médecin prépare la seringue avec une attention toute professionnelle,
mesure précisément sa dose fatale. Puis, il s'approche doucement et
cherche une veine dans votre bras.
Vous ne respirez plus rien que l'éther qui imbibe le coton avec lequel le médecin prépare l'endroit ou
il va planter son aiguille.
Vous ne sentez à peine rien qu'une simple
piqûre de moustique. "
C'est fait ", dit le médecin en retirant son
aiguille de votre bras.
D'abord, vous vous sentez bien comme si vous
étiez bercé sur les vagues.
Vous êtes comme dans du coton et puis peu à
peu les visages autour de vous s'estompent, votre vue se brouille, vous
avez a peine à distinguer les formes et toujours en face de vous les
secondes s'égrènent, elles chantent pour vous comme une oraison funèbre, elles vous accompagnent dans votre dernier voyage.
Votre
bouche devient pâteuse, vous avez comme un gout d'amande amère dans le
fond de la gorge, votre corps devient lourd, vous vous sentez vous
enfoncer. Puis peu à peu tout devient noir, vous entendez encore
imperceptiblement des sons, des bruits que vous n'identifiez même
plus.
Silence.
Vous êtes plongé dans le Sommeil le plus profond.
L'antichambre de la Mort.
Fin .