Texte de Laureline, à la fois tourmenté et terrible qui me blesse et me soigne à chaque lecture
Phil
Je regarde l'aiguille s'enfonçer dans mon bras, boire mon sang, la nausée me monte au bord des lèvres, la jeune femme en blanc me sourit, je sais ce qu'elle pense . . .° Elle est jeune, plus jeune que moi, cette seringue ne la guérira pas, tout au plus lui apprendra-t-elle la date de son départ °
Mon regard fouille son regard, à la recherche d'un lambeau d'espoir, d'un sourire derrière lequel la pitié est absente, mais, non, rien de tout celà, juste l'infinie détresse d'une vie qui s'enfuit . . .
Elle retire enfin le métal de ma veine, tamponne ma peau avec un morceau de coton, j'entends à mes tempes, battre mon coeur tel le bruit sourd et inhumain d'une presse . . . Ses mots sortent de sa bouche sans faire le moindre bruit, son image se déforme, ma tête part en arrière, tout doucement, la pièce se met à vaciller puis a tourbillonner autour de moi, le sang afflue à mes extrèmités, il me semble que la nuit tombe, je pense que c'est le moment, mon Xavier n'est pas là ! pas encore ! je veux qu'il me tienne la main qu'il me dise encore de ces choses tendres dont il est si prodigue . . . Un flash, terrible, d'une blancheur écoeurante, mon corps qui se dérobe sous moi et, enfin, le silence, le néant . . .
Mes paupières s'ouvrent, il est là, blème, le sourire timide, j'essaie de le lui rendre, j'ai mal, si mal . . .
je crois sourire aussi, mais, à son regard, je me rends compte que c'est un rictus que j'esquisse, pis, soudain, sa main se glisse dans mon dos, me soulève, ses lèvres effleurent mon visage, son souffle se met au rythme du mien, une douce chaleur m'envahi, l'infirmière me rassure "ce n'est qu'une petite perte de connaissance" je feins de la croire, mon ange me serre tout contre lui, suis blottie contre son épaule, comme l'enfant que je n'ai cessé d'être, son odeur est pour moi énivrante, sa chaleur est un peu de sa vie qui rayonne en moi, son amour est le lien qui me retient ici bas . . .
je relève la tête, noue mes bras autour de son cou, il me porte, à présent, me promenant dans la chambre comme on le ferait avec une tite fille pour la consoler, mon amour pour lui est si fort, mes yeux se noient dans les siens, nos bouches se joignent . . . Je suis née pour lui, il est né pour moi, nous devions nous rencontrer . . . Voilà la vraie chance, le bonheur que Dieu m'a accordé, je suis heureuse, infiniment heureuse, mes secondes à ses côtés sont des éternités de sérénité, il me repose sur le lit, le chat vient s'immiscer entre nous, je ris en renversant la tête comme pour libèrer toute la joie qui est en moi.