La piscine
Il fait déjà nuit, le grand bâtiment de verre reflète une eau bleue et mouvante sur toute sa surface, j'ai l'impression d'entrer dans une bulle azurée, la lumière violente est atténuée par un air épais qui semble trembler . . .
Mes souvenirs de petite fille me reviennent soudains, au moment même ou la porte s'évanouit afin de me laisser passer . . . l'odeur iodée, les lieux aseptisés, presque inhumains, le bruit confus des rires et des cris et de leurs échos mille fois répétés.
Je n'ai plus peur de l'eau, l'élément liquide et moi nous sommes apprivoisés, je me change rapidement car je suis à la fois attirée et repoussée par le besoin de m'étendre sur cette surface incertaine.
Cette fois, j'y suis, je plonge dans l'onde qui me saisit tant elle me paraît froide, le silence se fait bref, oppressant, je jaillis à la surface, cherchant l'air, mes muscles se tendent, mes jambes battent l'eau tandis que mes bras vont chercher un appui puis un autre et encore, et encore . . .
Je ne pense qu'à mes mouvements, travailler ma respiration, je fixe l'émail du bassin qui se rapproche, voilà, peaufiner mon virage, rester fluide, s'allonger à nouveau, accélérer progressivement pour ne pas penser, pour ne plus penser, un moment en suspend, un moment de bonheur, ou le corps prend le pas sur l'esprit, ou la douleur de l'effort disparaît pour laisser place à une sorte d'état extatique ou plus rien n'existe que le geste.
Je quitte mon corps, je me vois, je surplombe le rectangle bleu strié de lignes jaunes et noires, je suis à la fois entre ces lignes et au dessus, je suis libre, enfin libre . . .
J'enchaîne longueurs sur longueurs jusqu'à ce que la réalité me rattrape, jusqu'à ce que mes muscles soient endoloris et me forcent à regagner la terre ferme, la douche chaude irradie mon corps engourdi et une douce torpeur m'envahit.
J'ai revêtu mon habit de terrienne, je m'enfonce dans l'obscurité et me laisse avaler par la ville.
Demain, oui demain, je reviendrai communier.
Laureline