Ce sont deux poèmes très célèbres d'Arthur Rimbaud, que j'ai beaucoup appréciées, tout comme le fantastique l'auteur
Le Dormeur du val
C'est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent : où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
Arthur RIMBAUD, Poésies (composé en 1870)
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Le Mal
Tandis que les crachats rouges de la mitraille
Sifflent tout le jour par l'infini du ciel bleu ;
Qu'écarlates ou verts, près du Roi qui les raille,
Croulent les bataillons en masse dans le feu ;
Tandis qu'une folie épouvantable, broie
Et fait de cent milliers d'hommes un tas fumant ;
- Pauvres morts dans l'été, dans l'herbe, dans ta joie,
Nature, ô toi qui fis ces hommes saintement !... -
- Il est un Dieu qui rit aux nappes damassées
Des autels, à l'encens, aux grands calices d'or,
Qui dans le bercement des hosanna s'endort,
Et se réveille quand des mères, ramassées
Dans l'angoisse et pleurant sous leur vieux bonnet noir,
Lui donnent un gros sou lié dans leur mouchoir !
Arthur RIMBAUD