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L'abbé Terray et le "pacte de famine"

Gimdolf_Fleurdelune | Publié le ven 16 Juin - 16:02 | 3625 Vues

"Les revenus de l'année 1770 et de l'année 1771 avaient été consommés pour satisfaire aux dépenses de 1769. Je n'avais donc pas un écu pour faire le service de 1770 dont les dépenses devaient monter à 220 millions."

 Ainsi s'exprimait, dans un mémoire remis au roi, l'abbé Joseph Marie Terray, ancien conseiller-clerc au Parlement de Paris, nommé, malgré sa vie scandaleuse, contrôleur général des Finances en 1769.

L'abbé Terray ne vécut que d'expédients et son administration financière peut se résumer en un mot : la banqueroute. Dur, cupide, il viola sans vergogne les engagements de l'Etat, ajourna les échéances de remboursements des emprunts, réduisit les arrérages des rentes, convertit les rentes tontinières en rentes viagères, obligea les villes à livrer des fonds destinés à l'acquittement de leurs propres dettes. Il soumit aussi le commerce des grains à une réglementation très étroite, ce qui donna naissance à la légende du "pacte de famine", nom qu'on donna au prétendu contrat que le gouvernement de Louis XV aurait conclu avec un certain nombre de négociants pour accaparer les grains du royaume et en faire hausser artificiellement les prix par des disettes factices.

Il faut savoir que sous l'ancien régime, les pouvoirs publics, se considérant comme responsables de l'alimentation publique, se préoccupaient tout particulièrement d'approvisionner les grandes villes, en prévision des troubles provoqués par la rareté des blés et la hausse des prix. Le blé était alors considéré comme une marchandise spéciale à laquelle le régime des autres denrées n'était pas tenu pour applicable.

Camille BLUCH, Société d'Histoire moderne, le 7 avril 1907

"Le problème des subsistances était pour les hommes de l'ancienne France un problème démographique. On sait que l'opinion courante plaçait dans la population la force des nations. Elle croyait aussi que l'augmentation de la population dépendait de celle des subsistances. L'essai de Malthus sur la population, où il prétend établir la loi de l'accroissement en proportion géométrique de la population et la proportion arithmétique des subsistances, quoique paru en 1803, est profondément imprégné de la pensée du XVIIIe siècle."

 Déjà en 1753 le bruit s'était répandu que le service d'approvisionnement de Paris réalisait des bénéfices. Un peu plus tard, le contrôleur général L'Averdy voulut que 40 000 sétiers de blé fussent constamment tenus à la disposition de l'administration et le sieur Malisset vint lui proposer, pour éviter des frais excessifs d'emmagasinage, de renouveler les approvisionnements à ses risques et périls : l'affaire fut conclue (1763) et la Compagnie Malisset chargée, pour une période de douze ans, de toutes les opérations relatives à l'entretien et à l'approvisionnement des magasins du Roi. Mais l'entrepreneur avait signé avec ses cautions un acte de partage et cette pièce tomba entre les mains d'un certain Le Prévôt de Beaumont qui crut y voir le texte d'un pacte de famine conclu entre le contrôleur général et d'indignes spéculateurs.

Les "gens du Roi", commissionnaires de la Compagnie, purent sans doute entraver, par des mesures intéressées, le commerce des grains ; mais il n'y eut jamais de complot organisé et soutenu par le pouvoir pour spéculer sur les blés et par conséquent sur la famine.

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